Déjà 4 semaines se sont écoulées depuis la mort de notre fils. Je publierai probablement un autre article dans les prochains jours pour vous parler de toutes nos galères rencontrés pendant cette période, et de donner des nouvelles à proprement parler. Mais pour le moment je vais m’atteler au plus difficile, le récit de quand tout à basculé. (N.B. : veuillez m’excuser pour les fautes probables dans cet article, car je n’ai pas le courage de me relire pour corriger)
C’est le jeudi, nous partons pour notre voyage de noces, en Finlande. L’esprit léger car l’échographie rapide faite le vendredi précédent montre que tout va bien, Bidule bouge dans tous les sens et aucune anomalie n’est à noter; et cela fait depuis août dernier que nous n’avons pas eu de vacances ensemble, alors nous sommes heureux et avons hâte de faire ce voyage. Quelques jours plus tard, le jour de nos 13 ans nous avons même prévu de voir des aurores boréales en Laponie. Je me sens radieuse avec ce ventre qui commence à vraiment se voir. Premier soir, le pays est magnifique, il neige, nous rigolons de cette langue tellement bizarre quand on l’entend à la radio. Nous arrivons dans notre logement, un charmant petit chalet typique, puis allons manger en ville et faisons une petite balade dans un parc et sur des quais enneigés. C’est juste parfait.
Vendredi, nous prenons le temps de visiter la charmante petite ville où nous logeons, avant de nous enfoncer normalement plus loin dans le pays le lendemain matin. Nous nous baladons dans de belles rues typiques mais glissante (tout est verglacé), le long d’une rivière… nous sommes tellement heureux, d’être là tous les deux, en voyage de noces, avec un enfant à venir. Après toutes les galères endurées on souffle enfin, on savoure la vie tout simplement. En fin de journée j’hésite même à acheter un 1er vêtement repéré dans une boutique, mais bon c’est encore un geste qui fait trop peur, alors je me ravise. On fait encore un petit tour sur une colline avant de retourner à la voiture, je suis tout de même fatiguée, c’est très glissant, ce n’est pas super pour se déplacer, on discute d’ailleurs des risques de tomber quand…. je glisse et tombe sur les fesses…. Vu la douleur dans mes poignets et le peu de douleurs dans mes fesses, je sens que j’ai quasiment tout amorti dans mes bras. Mais nous sommes sonnés, nous le choc. Je n’ai pas de douleurs, ni de saignements, cela semble anodin. Mais je me culpabilise énormément d’avoir glissé, cela fait très peur. Tout à l’air d’aller bien, alors on décide de quand même faire la petite boucle pour voir la mer à seulement quelques kilomètres. On est toujours un peu sonné, mais devant ce beau paysage je prends la première photo et la dernière qui montre fièrement mon ventre.
On convient d’appeler mon gynécologue dès qu’on est rentré au chalet pour tout de même avoir son avis et ne pas prendre de risque. Il n’est pas dispo alors on appelle les urgences auxquelles il est rattaché. Le gynécologue de garde nous dit qu’effectivement cela ne semble pas inquiétant en l’absence de douleurs ou de saignements, mais que pour écarter tout doute concernant un éventuel hématome sur le placenta, il faudra par précaution aller faire une échographie. On finit donc par aller à l’hôpital de la ville vers 18h, au final mi-urgence, mi-clinique. Là-bas, pour accéder aux urgences gynécologiques (qui se trouvent à Helsinki, à 1h de route), il faut soit avoir des signes très inquiétants (sang, contraction), ou avoir été envoyé par un médecin. Donc même s’il n’y a pas de gynécologue dans l’hôpital où nous sommes, nous n’avons d’autres choix que de d’abord passer par là. On se dit donc que c’est chiant, on va perdre notre soirée pour rien, mais bon, on préfère être rasuré. Après 2h d’attente, on s’impatiente, on nous prédit encore 2h d’attente, hors je n’ai pas envie de patienter encore 2h pour me dire qu’ils ne peuvent rien voir car ils ne peuvent par faire d’échographie, que si c’est le cas autant qu’ils nous envoient au plus vite à Helsinki (car il est déjà 20h je crois). On fait bien, car 5 min plus tard, une interne nous prend en consultation, avec une vieille machine à échographie.
L’examen commence. Tout semble bien aller, le placenta est normal, mon col est normal, pas de saignements. Rien à signaler. Mais pour le moment Bidule semble dormir. Alors il faut juste qu’on attende qu’il bouge et on pourra rentrer. Précision importante, vu la qualité de l’appareil, on ne peut pas voir si le cœur bat, et il n’y a pas de son sur cette machine. 15 min plus tard il ne bouge toujours pas. Cela fait longtemps que je n’ai pas mangé, cela peut expliquer cette inactivité, alors elle me cherche un jus de fruit bien sucré pour le réveiller. 5 min après il ne bouge pas. Elle nous laisse donc presque 1h, pour être cette fois sûr que la situation ait pu évoluer. A ce moment là, je commence à être un peu stressée tout de même. Je marche, bouge, mange du gâteau, lui parle…. tout pour qu’il se réveille. J’ai l’impression de le sentir un peu bouger, cela me rassure un peu. L’heure a donc passé, elle revient enfin pour refaire l’échographie. Mais là, il est toujours exactement dans la même position…. le malaise commence à enfler dans notre cœur. Elle nous explique que pour effectuer une nouvelle vérification, elle va prendre les clés du services de gynécologie (qui est ouvert qu’en journée), pour qu’on aille utiliser leur appareil et pour pouvoir écouter le cœur (je ne comprends toujours pas pourquoi cette solution n’a pas été envisagée plus tôt).
Nous traversons donc des couloirs déserts, nos sourires ont quittés nos lèvres depuis bien longtemps. Je ne comprends pas, cette chute était vraiment minime, mon cerveau essaye de bloquer toute pensée pour ne pas se rendre compte de ce qu’il se passe. Je m’installe dans le fauteuil, elle commence une nouvelle échographie, mais là nous voyons bien que le cœur ne bat pas et que l’électrocardiogramme reste obstinément plat…. Elle nous dit juste, le regard désolé » I can’t find a heartbeat », mais on a déjà compris. Je me souviens entendre mon mari crier de douleur et s’énerver. Je suis tétanisée. Elle quitte la pièce pour appeler les urgences d’Helsinki. Mon mari appellera sa mère en cris et en sanglot. Je suis toujours tétanisée sur le fauteuil. L’interne revient, nous explique que nous ne pouvons pas avoir d’ambulance apparemment car « ce n’est plus une urgence », elle n’a pas envie de nous laisser rouler une heure, cela se lit sur son visage, elle a vraiment peur pour nous vu notre état. Mais quel autre choix avons nous ?
Il doit être 22h ou 23h à ce moment là. Nous prenons la route sous la neige et le verglas, en hypoglycémie certaine vu l’heure avancée, dans un état indescriptible. Un infime espoir stupide subsiste, je demande à mon mari (et cela doit probablement être la seule phrase que j’ai prononcé de tout le trajet) « tu crois qu’elle a pu louper quelque chose, qu’elle ne savait juste pas faire une échographie, qu’il y a encore un espoir ? » il me dit « je crois bien que non ».
Je suis un zombie, mon mari doit me guider, me prendre en charge, pour me guider jusqu’à l’hôpital. Je suis incapable de parler. On arrive donc aux urgences, on se présente (car l’hôpital précédent est censé les avoir appelé), on explique qu’ils n’ont pas trouver de battement de cœur. On est installé dans une chambre, et on commence par nous faire en 1er lieu un doppler – qui semble durer une éternité – mais toujours aucun battement de cœur. Difficilement nous devons alors aller dans une salle d’examen pour faire une échographie par une gynécologue, pour vérifier. Cette fois je suis incapable de regarder l’écran. Et le couperet tombe, cette phrase résonne encore et toujours parfaitement de ma tête « I’m sorry, the heart of the baby has stopped to beat ». Je ne me souviens plus de tout à ce moment là. Ai-je pleuré ? je ne suis pas sûr vu l’état de tétanie. Dans mes souvenir, j’ai les bras ballants et le regard hagard vers le plafond. Je me souviens avoir été saisie de tremblements très importants. je me souviens que mon mari parle avec elle pour dire qu’on veut rentrer au plus vite en France, pour traiter la situation dans notre pays et avec notre entourage à proximité. Mais cela ne semble pas trop plaire à la gynéco, et de toute manière la chef du service est appelée, pour faire une énième échographie et essayer de comprendre. Elle explique ce qu’elle voit (mais je ne comprend plus trop l’Anglais à ce stade émotionnel), nous dit rapidement que la chute n’est en aucun cas la cause de la mort. D’après ce qu’elle voit, il était déjà mort à ce moment là, depuis plusieurs heures voir jours. Elle me demande quand est-ce que je l’ai senti bouger pour la dernière fois. je répond que je ne sait plus, car j’avais l’impression de l’avoir senti avant alors qu’il était déjà mort, alors comment savoir ? je commençais à peine à le sentir vraiment….On nous redit que d’après eux c’est bien trop risqué de rentrer en France, même par le premier vol le lendemain matin, car on ne sait pas depuis combien de temps il est mort, et donc quand mon corps risquerait de s’en rendre compte et lancer le travail. Le risque d’hémorragie à ce stade de grossesse est bien trop élevé en cas de déclenchement spontané. on appelle tout de même le médecin français qu’on a eu au téléphone quelques heures plus tôt pour avoir son avis, et il nous tient le même discours. Alors nous devons organiser avec eux la suite des événements. On commence déjà à nous demander si on voudra le voir, si on veut une autopsie, etc…. tellement de chose qu’on est pas prêt à entendre car on a pas encore bien enregistré l’information dans notre cerveau, mais effectivement il faudra qu’on réfléchisse rapidement à tout ça, c’est pourquoi ils plantent les graines de ces réflexions dans notre esprit.
Nous retournons dans la chambre, le temps de faire une prise de sang et autres prélèvements, et le temps qu’ils puissent organiser la suite avec le service de gynécologie. On attendra au moins 1h. Pendant ce temps là, j’essaye de joindre mes parents, mais ils sont injoignables, idem pour mes sœurs. (il doit être minuit en France à ce moment). Mon mari arrive à joindre mon beau-frère pour prévenir ma sœur (qui dormait le portable éteint). Ma belle-mère va sonner chez mes parents et ma 2e sœur mais n’arrive pas à les joindre (on apprendra le lendemain qu’ils dormaient tous très profondément). On nous laisse deux choix, soit être admis directement (et donc attendre à l’hôpital 1 journée), soit revenir le lendemain pour 18h. On choisit la 2e option, car nous n’avons pas envie de rester à l’hôpital, et de plus il faut que nous cherchions toutes nos affaires au logement. Or je ne me sens pas de laisser mon mari tout seul pour rouler jusque là-bas et s’occuper de ça tout seul. On me donne un 1er comprimé et nous pouvons repartir. Il est 2h du matin.
Le trajet en voiture est horrible. La douleur est si forte, c’est une vraie tempête de neige, heureusement il n’y avait personne sur les routes et c’est bien un miracle que nous n’ayons pas eu d’accident vu comme mon mari roulait. Je me souviens d’ailleurs avoir espéré à ce moment là de faire un accident, pour ne plus sentir cette douleur atroce.
Nous avons un peu dormi, blotti l’un contre l’autre, d’épuisement. La journée du samedi a semblé durer une éternité. Mon cerveau, miraculeux, arrive à bloquer la pensée que j’ai un bébé mort dans le ventre, défense de survie pour ne par perdre la raison. Nous avons du gérer l’annulation du reste du voyage, prévenu notre entourage. On est dans un état second, incapable de se nourrir, en proie au désespoir. Le moment de quitter le logement pour aller à l’hôpital est très difficile, on a pas envie de devoir affronter ce qui va arriver et qui s’approche de plus en plus. Le trajet en voiture est toujours aussi difficile, j’ai presque envie de demander à mon mari de nous envoyer dans le décor pour ne pas vivre ça. Je ne sais pas ce qui m’a retenu, mais heureusement, car à mon avis la pensée devait aussi être présente chez lui, et il en fallait de peu pour passer à l’action.
Nous arrivons en avance, alors je reste à pleurer dans la voiture sur le parking, voyant au loin des femmes venant donner naissances, des familles venant visiter des nouveaux-nés, et pendant ce temps mon mari est au téléphone avec une psy spécialisé pour les cellules de crises, pour ne pas qu’il s’effondre.
Il est 18h, nous rentrons dans le service. On s’occupe bien de nous, on nous explique tout. Enfin presque. Quand je pose des questions sur comment ça va se passer, on m’explique jusqu’au moment où les premiers saignements apparaîtrons, mais on ne me répond pas sur ensuite. A mon avis pour ne pas nous faire paniquer, car la suite est forcément horrible. On me donne la 1e dose de médicament pour déclencher les contractions. On s’effondre à ce moment là, car ça y est, c’est le début de la fin. 2h après, les premières contractions arrivent. plutôt bon signe apparemment que je réagisse dès la 1e dose. Ma mère, qui a sauté dans le 1er vol pour nous rejoindre arrive vers minuit. Arrivée salvatrice, car à ce moment les douleurs sont intenses, et émotionnellement il faut que quelqu’un prenne le relais de mon mari. Ensuite avec anti-douleurs et électrodes la douleur sera à nouveau un peu plus supportable. Ma mère ira à son hôtel, et je m’endormirais (bien plus tard) entre chaque contraction.
Dimanche, la douleur reviendra au petit matin, puis on me donnera une nouvelle dose de médicament. La douleur deviendra à la limite du supportable, à deux doigts de la péridurale (mais ils veulent l’éviter car il faut aller en salle de naissance pour cela, or vu la situation, pour notre bien-être psychologique, on comprend qu’ils préfèrent éviter si possible, et moi aussi). A ce moment là, la sage-femme comprendra que c’est le moment.
Je vous épargnerai les détails traumatisants. Cela a été rapide, mais la douleur physique fut à la hauteur de la douleur psychique. même si on sait que c’est inévitable, on a pas envie de le laisser partir. Mon mari devra me traduire ce que la sage-femme dit, car je n’entends plus que sa voix. Après cela je friserai la folie pure à cause des sensations d’après mon mari, je me souviens avoir crié, hurlé de panique, pleuré, traumatisée par mon état à ce moment là, et ensuite à nouveau la tétanie. Environ 30 min après (je crois, la notion du temps est compliqué pour ce moment), nous pourrons le voir. moment très difficile, on ne regarde que quelques instants, difficile de faire autrement vu notre état émotionnel. On lui dit au revoir, en l’appelant par son prénom. Plus tard, on nous donnera une empreinte de son pied.
Le reste de la journée et du lendemain j’ai beaucoup dormi d’épuisement, mon mari a du gérer 1000 trucs administratifs et pour le rapatriement. On aura le droit de partir le lundi (car heureusement je n’ai aucune complication), et de reprendre l’avion le mardi.
Le mardi, pour nos 13 ans ensemble, nous prenons l’avions pour rentrer en France, en laissant notre fils derrière nous en Finlande, dans une douleur sans nom, sans comprendre comment tout a pu basculer en un instant, alors qu’une semaine avant notre petit S. allait très bien.
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