Les rechutes

Elles me prennent toujours au dépourvue ces rechutes dans le deuil.

Tu vas bien et un matin tu te lèves, ça ne va pas. Ça continue quelques jours. Puis tu te rends compte que c’est bientôt « l’anniversaire » de ta DPA, ton fils aurait fêté ses 3 ans dans un monde parallèle heureux. D’ailleurs, un an auparavant tu as vécu plus ou moins la même chose à l’approche de cette date.

Tu vas bien, des gens parlent de la rentrée scolaire, et bim. Ton fils aurait dû rentrer en maternelle en septembre, tu sais déjà que désormais cette période sera aussi compliqué.

Tu vas bien, et tu te dis « tiens ça fait longtemps que j’ai pas écouté ce groupe, je me demande pourquoi ». Tu l’écoutes et tu te souviens, c’est un trigger, tu l’écoutais en boucle pendant ta grossesse. Immédiatement la chappe de tristesse.

Tu vas bien, en vacances entrain de siroter ta bière le soir sur la terrasse, et là tu te découvre un nouveau trigger : ton mari te dis « ah dans ces moments là ça me donne envie de fumer de nouveau, c’était des bons moments ». Tu découvres que ton cerveau, quand on te parle de ton mari qui fume, et qu’il associe ça a des bons moments (l’addiction ne traine jamais très loin) ça te rappelle les pires jours de ta vie. Le jour fatidique, en Finlande, il avait oublié sa cigarette électronique, il était invivable toute la journée (avant qu’on doive se rendre à l’hôpital). Puis tu as aussi des flashback de lui qui vapote par la fenêtre de la chambre d’hôpital en douce, pour ne pas te laisser seule un seul instant . Et forcément ça mène à d’autres flashback de ce séjour à l’hôpital.

C’est difficile de gérer ces moments là, surtout les trigger liés au syndrome de stress post-traumatique. Certes il y en a moins avec le temps (et surtout j’ai été forcé d’en régler un grand nombre avec la grossesse et la naissance de H.)

J’appréhende le retour en PMA car j’ai énormément de mal avec les hôpitaux désormais. Et forcement se dire qu’on retourne dedans ça retourne pas mal de chose.

On ne va pas se mentir, avoir un enfant vivant après, ça permet d’apaiser pas mal de blessures, ça aide à cicatriser un peu plus vite . Mais ça ne fait pas non plus des miracles. Et par moment ça ne faut que souligner l’absence de ce premier enfant.

C’est aussi la particularité du deuil périnatal associé à la PMA. Les embryons qui ont donné S. et H. sont issues de la même ponction. Ce n’est que le hasard qui a fait que les transferts se soient passés dans cet ordre. Souvent cela console certains parents au parcours « classique » de se dire « si x était là, y n’aurait pas été là ». Sauf que dans mon cas ce qui est dur pour l’esprit c’est que, même si S. avait été là, H. serait aussi là. Il ne serait peut-être pas né au même moment (et encore ce ne serait pas non plus improbable) et nous serions des parents différents. Mais ce serait bien lui, avec les mêmes gènes. Ils auraient pu grandir ensemble dans un monde heureux.

Voila, je sais que le deuil n’est pas linéaire, qu’il y a des rechutes, mais elles s’espacent heureusement. Dans ces moments là je mesure encore plus la chance que H. soit là, et je n’ai qu’une hâte, le chercher chez la nounou ce soir et le serrée fort dans mes bras.

Je vous laisse avec ces deux illustrations du compte Instagram @a_nos_etoiles qui parlent toujours avec justesse du deuil périnatal.