2 ans

Il y a 2 ans, je vivais la pire épreuve de ma vie.

Il y a 2 ans, j’accouchais de mon fils sans vie.

Il y a 2 ans, au lieu de porter et donner la vie, je portais et délivrais la mort.

Cette blessure particulière reste gravée dans ma chair, et c’est une grosse étape que je vais devoir affronter. Accepter qu’un accouchement puisse être un événement heureux. Les flash-backs de cet événement traumatisant sont nombreux quand on aborde le sujet. Pas plus aujourd’hui qu’un autre jour. Une partie du deuil que j’avais enfermé à double-tour dans un coin sombre de ma tête et que je ne voulais affronter. Mais forcément à presque 7 mois de grossesse, difficile de ne pas accepter la confrontation.

Difficile de décrire comment je vis cette journée cette année. Certes déjà mieux que l’an dernier, 1er anniversaire et jour où j’apprenais que mon centre PMA fermait et que mon TEC était annulé. Mais c’est tellement ambivalent de vivre cette journée en étant enceinte. Il y’a les grosses angoisses irrationnelles que quelque chose se passe mal aujourd’hui pour la grossesse en cours. La culpabilité de faire ressentir cette tristesse à cette vie qui grandit. La culpabilité de ne pas penser que à S. aujourd’hui. La difficulté de réussir à faire une place à ces deux enfants en ce jour. Avec un petit arc-en-ciel qui fait une grosse java depuis cette nuit, pour bien rappeler qu’il est là et qu’il est en pleine forme.

Il y a aussi la culpabilité de ne pas être allé sur la tombe de S. depuis des mois à cause de la grossesse (1h de route, dans la forêt dans un endroit un peu escarpé donc un peu risqué de s’y rendre enceinte). Alors que j’aurai besoin de me recueillir auprès de lui, aujourd’hui encore plus qu’un autre jour. J’ai beau ne pas être croyante et être terre à terre, si malgré tout il reste une part de lui quelque part, j’espère qu’il ne m’en veut pas, et qu’il sait qu’on ne l’oublie pas, qu’on ne le remplace pas, et qu’on viendra le voir avec son petit-frère dès que possible.

Il y’a 2 ans, je rencontrais fugacement mon fils pour la première et dernière fois. J’osais à peine le regarder, je me souviens avoir été étonné parce qu’il avait déjà tous les traits de visage d’un bébé normal mais juste en plus petit. Quelques minutes seulement pour le voir, ce n’est rien à l’échelle d’une vie, et c’est difficile de ne plus se souvenir de ses traits. (En Finlande, ils ne prenaient pas de photo, nous avons juste l’empreinte d’un de ses pieds. C’est déjà ça.)

2 ans déjà…

Aujourd’hui encore plus que tout autre jour, je pense fort à toi S., si tu savais comme je t’aime et comme tu me manques affreusement ❤